Dominique ROLLAND se souvient qu’à l’école une petite fille lui a demandé “c’est qui le chinois qui vient te chercher à la sortie de l’école?”. Mais comme elle ne voyait pas la différence physique de son grand-père elle comprennait pas la question. Cette quesion l’a contrariée après car elle voulait lui dire qu’il n’était pas chinois mais qu’il venait du tonkin, mais elle aurait du lui expliquer que c’était une province de la France, elle lui aurait alors demandé qu’est ce que ferait une province de la France en Chine, et toute cette explication deviendrait disproportionnée et compliquée. C’est là qu’elle s’est rendu compte qu’il venait d’un endroit quand même bizarre.
Bien que Dominique ROLLAND explique qu’elle mélangeait tout et qu’elle ne connaissait rien de l’Indochine, elle a grandi avec la guerre du Vietnam donc ce n’est pas totalement effacé. Plus tard à l’université, elle se différencie de ses camarades parce qu’elle avait potentiellement un cousin qui y était. Cela suscitait de l’intérêt de la part des autres, pas comme un titre de gloire, mais presque. Même à Madagascar, on faisait référence à ses origines vietnamiennes.
C’est dans les années 90 que le mot métis apparait . Pourtant, son grand-père ne se définissait pas comme tel, il aurait dit eurasien, et encore il ne se qualifiait pas en tant que tel. De lui on disait qu’il était un métis. Sa mère lui expliqua alors que c’était une insulte. A Hanoi les gens dans la rue l’insultait de “sale métis, sale race de métis”. Sa mère lui disait qu’on disait que les métis héritaient de toutes les tares du côté français et du côté annamite. Du coup, quand elle voit le terme apparaître en France elle trouve ça bizarre qu’un terme qui était une insulte à l’époque coloniale devienne quelque chose de plutôt valorisé. Ca avait l’air d’un adjectif à coller à n’importe quoi pour valoriser n’importe quoi, surtout des valeurs artistiques (cuisine, mode..).
Dominique ROLLAND était alors très dérangée par la façon médiatique dont on parlait du métissage car on passait à la trappe le colonialisme. Les médias disaient qu’être métis était une richesse, tout était magnifique, et ça l’énervait, la choquait et la blessait car les gens ont souffert, ils étaient dans la difficulté de cette dualité et on n’en parlait pas. Surtout que ceux qui en parlaient n’étaient pas métis.
C’est alors que Dominique ROLLAND commence à prendre ce sujet d’étude en commençant par sa propre histoire pour savoir ce qu’il s’était passé, malgré la gêne qui entourait leur histoire familiale.
D’après Dominique ROLLAND,le métissage est né du colonialisme : on ne parle pas de métis français-allemand par exemple. La différence c’est que quand on est métis on est issu du colonisateur et du colonisé : on comprend que c’est une situation de tension psychologique qui ne se résoud pas. A moins, dit elle, d’être un intellectuel ou artiste, domaines où l’on peut exprimer sa dualité.
On lui dit souvent que l’indochine c’est loin donc elle le rapproche de la société contemporaine : quand un enfant de banlieue caillasse des voitures, il n’est d’autre qu’une part dominante et dominée dans son identité qu’il n’arrive pas à négocier.
Selon Dominique ROLLAND, quand on parle du métissage on fait du brouillage et on passe à la trappe l’aspect colonial et post colonial. Mais elle se rend compte que les gens ne voient pas le problème et a alors le sentiment qu’elle est la seule à poser cette question.
Elle prend pour exemple l’exposition “Planète Métisse” au Quai Branly dont le sous titre était “to mix or not to mix”, qui ne veut rien dire pour elle. Cette exposition l’a beaucoup agacée car, malgré les remarquables comissaires, ils travaillaient tous sur l’Amérique latine, fantasme du métissage parfait et réussi. Ce qui est totalement infondé selon elle. De plus, il n’y avait aucune référence à l’Asie, or c’est en Indochine où il y avait le plus de métis tant et si bien qu’ils constitutaient une catégorie à part. Selon elle, au fond, c’est qu’on était encore dans une logique coloniale. |