Jacques Munier demande à Christophe Prochasson si la question de la globalisation n’avait pas déjà été traitée dans le passé, notamment dans la prestigieuse revue historique « Annales » (Braudel, Chaumu).
Christophe Prochasson rappelle le fait que depuis une dizaine d’années il y a une prise de conscience concernant le risque de trop nationaliser nos démarches. Mais les grandes figures qui ont dominé l’époque des années 60’s avaient comme horizon de référence l’espace français. Il existait donc un enracinement national, mais en parallèle s’établissaient aussi de grands dialogues internationaux dans toutes les disciplines.
Concernant les historiens, il y a le versant « Fernand Braudel », mais il y a aussi le versant « Ernest Labrousse », un grand historien, mais dont le programme de recherche en termes d’espace consistait à départementaliser le territoire pour traiter de l’histoire sociale.
Il soulève ici un point problématique : la question n’est pas de suivre une mode en cherchant à faire du « global », mais il faut se pencher sur quel type d’histoire globale nous souhaitons faire. Il pose ainsi un ensemble de questions qui sont impliquées par cette nouvelle volonté d’histoire globale : pourquoi comparer, comment comparer, que peut-on ou ne peut-on pas comparer ?
Il existe également un autre débat qui concerne l’ensemble des sciences sociales : la question de l’universalisme par rapport au relativisme ou constructivisme, tendances majeures des années 80’s-90’s, démontant les grands modèles universalisant.
Selon Prochasson, actuellement, le grand enjeu intellectuel derrière cette quête du global, est la recherche de restitution d’une perspective universaliste à nos disciplines, au-delà d’une question de méthodes visant à faire global pour que la science ne soit pas seulement nationalisée. La question de l’universel reste selon lui l’horizon fondamental de l’analyse globale actuelle.
Il faut se méfier de certains types d’histoire, dont l’échelle d’analyse ne permet pas d’analyser correctement certains phénomènes. Le risque étant de localiser le savoir en le ramenant à des échelles autres, perdant de vue ce souci de la comparaison et soulevant la question de l’incommensurable. Il réfère notamment à l’anthropologue Gérard Lenclud, qui souligne le fait que pour affirmer que deux phénomènes sont incommensurables, encore faut-il pouvoir les comparer. |